Le restaurant La Playa installé à Capesterre de Marie-Galante depuis une dizaine d’années vient récemment d’apparaître dans le guide culinaire international de référence, LA LISTE 2020.
Analyse d’une recette qui fonctionne.
La Playa fait partie d’une poignée de restaurants au monde à figurer dans la catégorie FOOD GEM de la Liste, autrement dit: les petites pépites des adresses culinaires. Après avoir téléchargé l’application et dès qu’on voit le petit point rose fuchsia s’afficher en mettant Marie-Galante sur la carte, on comprend toute l’importance de ce référencement parmi des restaurants du monde entier.
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C’est le seul restaurant de l’île à obtenir son ticket d’entrée dans ce classement et La Playa fait partie d’une dizaine d’établissements distingués dans tout l’archipel guadeloupéen. Une nouvelle victoire pour le chef autodidacte. En effet, Jérôme Hagège n’a même pas le CAP de cuisine mais son travail acharné, sa passion des vrais produits à la sauce “je ne fais rien comme tout le monde” lui donnent ce petit plus qui fait sa cuisine sortir des frontières de la galette.
J’ai appris la cuisine sur Marmiton.org
Jérôme Hagège, chef de la Playa
“Je suis maître-restaurateur mais je n’ai même pas mon CAP. Je me dis qu’il serait peut-être temps que je demande la validation des acquis”, plaisante-t-il avant de continuer de se confier: “J’ai appris la cuisine sur Marmiton.org”.
Moi: 😳😆
“Non, je ne rigole pas, c’est vrai“, dit-il d’un air malicieux.
“Après avoir démissionné de la gendarmerie en 2007, j’avais choisi d’ouvrir mon restaurant “le chant des marmites” à Marseille. Je n’y connaissais rien en cuisine alors je me réveillais à 4h du matin et je testais un premier plat. Et si ça ne marchait pas, j’avais encore tout le temps à 9h de réessayer pour le service du midi. Au bout de quatre ans, ça cartonnait et j’ai revendu”, dit-il non sans fierté.
Et cette anecdote donne quand même une bonne idée du personnage.
Travailleur, perfectionniste, n’aimant pas les plats déjà faits et refaits, il est à la recherche de “l’alliance des saveurs”, une notion qu’il évoque très souvent lors de l’interview, comme une devise.
Quand Jérôme Hagège arrive ici en 2011, il est en train de faire un Tour du Monde. Il rend visite à un ancien collègue d’origine marie-galantaise. En une journée, il tombe sous le charme et décide de venir s’y installer. Sacré changement de plan pour celui qui rêvait de Suède. Il rencontre Nina, la fondatrice légendaire du Maria-Galanda, du Zagaya et de la Playa, dernier établissement qu’elle vient de créer à l’époque.
“Elle m’a revendu le restaurant et j’ai beaucoup appris avec elle. La paëlla créole, c’était un des plats qu’elle faisait déjà et que j’ai gardé“.
On a beau être à La Playa, c’est pas les doigts de pied en éventail
“C’est tout d’abord la qualité des produits, avec de la viande locale fraîche de chez M. Léandre, du poisson d’une excellente qualité, pêché du matin même par nos pêcheurs locaux. On a que du poisson sauvage, que de la traîne. C’est pas un poisson qui va faire des heures de bateau en fond de câle. Quand on a ça, c’est déjà 50%. Mais après, c’est du travail. Et pas question de préparer trop à l’avance, de prédécouper ou de précuire le poisson. On ne le coupe qu’à la commande pour qu’il ne perde pas ses fluides”
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Et le restaurant dispose même d’une chambre froide où la viande est mise à matûrer à 4 degrés.
Je ne veux rien faire comme tout le monde
JÉRÔME HAGÈGE
“Je ne fais pas une cuisine de terroir traditionnelle. Je cuisine des produits qu’on ne trouve pas ici comme la truffe mais mes tomates, elles viennent de la ferme de Borée. J’ai du curcuma frais. J’utilise aussi du zeb à fè. Parfois, il y a des pleurotes locales. (…) Si si, des pleurotes. Il y en a à Marie-Galante et elles sont très bonnes d’ailleurs. Je ne veux rien faire comme tout le monde”.
Sur la carte, la blanquette de dorade aux palourdes et safran côtoie le pavé de thon grillé sauce cèpes et copeaux de foie gras à l’huile de truffe noire.
“On a des produits d’excellente qualité localement et j’en profite mais c’est du boulot. D’ailleurs, le restaurant ne sert que le soir. Sinon ce serait trop de travail pour faire deux services”, reconnait aisément le chef.
Pendant l’interview, Jérôme Hagège me propose notamment de l’houmous de pois d’angole. Un vrai délice qui me fait penser : mais oui mais pourquoi j’y ai jamais pensé?tant le goût coule de source. Oui du pois d’Angole en houmous. Ça ressemble au pois chiche après tout.
Son punch coco du chef est servi avec de la cannelle, de l’amande amère, des épices. Il a même tenté de travailler l’amande locale “mais j’ai pas réussi”, sourit-il.
Avec des prix moyens autour de 25 euros et une langouste grillée à 90 euros, l’addition reste abordable pour une table de cette qualité.
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Comment le restaurateur est-il parvenu à être visible et à le rester ?
Selon ce que Jérôme Hagège en dit, il y a surtout eu des coups de pouce et des opportunités saisies au bond. Le Caribbean Journal tout d’abord qui décide de nommer la Playa parmi les 50 meilleurs restaurants de la Caraïbe en 2016.
« Suite à cette publication, il y a eu le passage en coup de vent d’un blogueur New-Yorkais suivi par 220 000 personnes qui est venu de son propre chef, un jour. Il a mangé ici et il est reparti. Il a fait des stories et des publications et ça nous a ramené pas mal de monde », explique Jérôme Hagège.
“Plus récemment, on a eu une Instagrammeuse de Guadeloupe qui est venue. Elle s’appelle Vanooh. Grâce à elle ( qui a tout de même plus de 92 000 abonnés sur Instagram, NDLR), on a eu du monde aussi”.
Ils peuvent aller manger une soupe à Shanghaï mais ils ne peuvent pas venir aux Antilles
JÉRÔME HAGÈGE, CHEF DE LA PLAYA
Tout s’enchaîne : « on est dans tous les guides possibles et imaginables : le Guide du Routard, TripAdvisor, le Gaut-et-Millau depuis 2018. Le Michelin par exemple n’est toujours pas venu, regrette le chef.
« Ils peuvent aller manger une soupe à Shanghaï mais ils ne peuvent pas venir aux Antilles », dit-il avec une pointe d’amertume.
Bien conscient que pour être reconnu à un niveau international dans ces guides, il faut être à Paris, Jérôme Hagège parvient tout de même à amener le monde à sa table.
Et du beau monde car sans donner de noms, il lâche que des célébrités au niveau national et international viennent manger chez lui en toute discrétion.
En septembre, on vient de se voir décerner une distinction Tripadvisor car on est dans les 10% des restaurants préférés des utilisateurs dans le monde ».
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…Mais il y a aussi un revers à cette visibilité
Parfois, les gens (…) vous font du chantage et vous disent qu’ils vont vous flinguer votre réputation (…)
Jérôme hagège
“Parfois, les gens ne savent plus patienter alors ils vous font du chantage et vous disent qu’ils vont vous flinguer votre réputation parce qu’ils ont attendu leur plat 25 minutes.Alors maintenant, sur la carte j’ai mis les temps d’attente pour avoir un plat en rappelant aux clients que ce sont des produits frais. Si on vous sert votre plat en 5 minutes, c’est qu’il y a un problème. Parfois, les gens vont vous incendier parce qu’il n’y a pas de langouste. Mais je travaille avec des langoustes locales. Je ne fais pas de congelé. Alors si le jour même le pêcheur ne me ramène pas de langouste, je ne peux pas en proposer. IL faut les réserver. Je me dis souvent qu’il ne faut pas confondre service et servitude. Alors, nous sourions, nous sommes prévenants, accueillants, conciliants, mais quand il le faut, je réponds aux gens et je tiens à ce que tout soit bien clair. Je n’ai pas non plus la langue dans ma poche. Et sur les sites de notations, je réponds aux commentaires car quand ils sont négatifs il peut y avoir un peu de mauvaise foi de certains clients, un peu de revanche quand même“.
La visibilité et les distinctions, ce n’est pas un long fleuve tranquille mais du travail en cuisine et sur les réseaux.
ZOOM : Mais c’est quoi la Liste au juste ? 👀
La Liste se présente comme “la meilleure sélection gastronomique au monde”. Une référence pour les voyageurs internationaux. Ce guide affirme détenir un agrégateur qui compulse les données de centaines de guides et de millions d’avis en ligne, dans le monde entier et classe de façon « objective » les restaurateurs. Au total, pour le classement 2020, les données de 715 guides et près de 350 000 notes ont été agrégées pour obtenir la Liste…Les avis des utilisateurs comptent pour 25% de la note finale.
Mais surtout, La liste regroupe en fait plusieurs listes. L’agrégateur classe selon trois catégories.
- Il y a tout d’abord les 1000 meilleurs restaurants du monde entier.
- Ensuite vient la catégorie “Outstanding Cuisine” qui regroupe les 5000 restaurants d’exception. Dans l’archipel guadeloupéen, on dénombre deux “Outstanding cuisine” avec l’Orchidéa d’Arnaud Bloquel à Saint-François et Au Bon vivre à Terre-de-Haut du chef Thibault Femel. Ces deux catégories sont obtenues à partir des meilleurs guides du monde entier.
- Et viennent les Food Gems, les bonnes petites tables à partir des meilleurs guides locaux. Elles sont au nombre de 20 000 dans le guide. L’archipel guadeloupéen compte neuf Food Gems dont la Playa.
La guerre des batteries de cuisine
Selon le Wikipédia français, La Liste est un classement réalisé sous l’impulsion du Ministère des Affaires Etrangères en réponse au classement des 50 meilleurs restaurants du Monde, un classement britannique. Shocking!!
Et d’ailleurs, à la tête de la Liste, on retrouve un ancien ambassadeur, Philippe Faure. Autrement dit, c’est la guerreuuuuh! en cuisine. La visibilité des restaurants français est une question de géogastronomie. La première édition, en 2016, a placé le restaurant de l’Hôtel de Ville en Suisse du chef franco-suisse Benoit Violier en tête de ce classement puis c’est le restaurant français établi à Paris Guy Savoy qui est arrivé en tête de 2017 à 2020.
