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Projet de centrale agrivoltaïque à Grand-Bassin : le volet agricole est-il un prétexte pour produire de l’électricité?

Projet de centrale agrivoltaïque à Grand-Bassin : le volet agricole est-il un prétexte pour produire de l’électricité?

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À Grand-Bassin, le volet agricole est-il un faire-valoir pour produire de l’électricité? C’est la question qui a électrisé les débats jeudi 4 mai à la Galante Traiteur, à Saint-Louis. Une question qui au niveau national est souvent abordée concernant des projets agrivoltaïques. Mais en l’occurence, il faut rappeler que le Grand-Bassin en question, ne remplit plus son rôle et ce depuis longtemps. Les panneaux photovoltaïques qui devraient récupérer l’eau seraient-ils une solution afin de vraiment faire de l’agriculture dans le secteur? Dans le gâteau, les agriculteurs sont les seuls à ne rien y gagner à part une eau qu’ils auraient déjà dû avoir ? Devraient-ils avoir une part des dividendes? On en parle.

Jeudi dernier, une cinquantaine de personnes sont venues assister à la réunion organisée en marge de l’enquête publique en cours en mairie de Saint-Louis. La population présente n’a pas paru unanimement enthousiaste et quelques échanges tranchés ont même eu lieu alors que certains avaient des questions techniques afin de mieux appréhender le projet. L’absence des agriculteurs de Grand-Bassin à la réunion a également été soulignée. De 19h à 21h30, l’assistance a pu poser des questions aux différents responsables derrière ce projet de production d’électricité. Mais l’agriculture dans tout cela ? Aucune idée précise de ce qui sera cultivé sur le site n’a été donnée et cela en a inquiété plus d’un. Mais alors que le Grand-Bassin, plus souvent à sec que plein, ne remplit plus son rôle depuis longtemps, les panneaux photovoltaïques sont présentés comme le moyen tombé du ciel de collecter de l’eau durablement sur ce terrain. Dans la zone, y aurait-il une relation plus complexe qu’il n’y paraît au premier coup d’oeil? L’enquête publique commencée le 13 avril dernier prendra fin le 12 mai. Morceaux choisis de cette ambiance…

Ne ratez pas, plus bas, l’interview de Mme Maryse Etzol qui répond sur différents points soulevés par cette centrale agrivoltaïque. Et notamment à la fin sur une rumeur persistante qu’on a pu entendre à savoir que la Présidente de la CCMG aurait acheté des actions du projet agrivoltaïque. Une question qui l’agace visiblement sur une rumeur qu’elle dément fortement…

Mais tout d’abord…

Le projet de centrale agrivoltaïque : kézako ?

  • Il s’agit de poser des panneaux photovoltaïques d’une hauteur de 2,20 m minimum, sur deux sites de 15 hectares à Mayoumbé et à Grand-Bassin soit 30 hectares au total. L’énergie produite (capacité installée de 25 MGwatts crête mais pour 8Mgwatts/heure de puissance de raccordement au réseau électrique) sera ensuite revendue à EDF.
  • Une société par actions simplifiée a été créée en 2017, Marie-Galante ENR, une société de production d’électricité. Au sein cette société, CNR (la compagnie Nationale du Rhône) et la CCMG sont actionnaires à hauteur de 80 et 20%.
  • 55 millions d’euros d’investissements
  • Pas de doublement du câble électrique qui relie Marie-Galante à Capesterre-Belle-Eau, CNR l’assure : “Nous affirmons catégoriquement qu’il n’est pas nécessaire de doubler le câble électrique sous-marin pour que ce projet voie le jour”, Vincent Piron, directeur de projet CNR.
  • 8 Millions d’euros de Chiffres d’Affaires attendus pour 800 000 euros de dividendes pour les actionnaires, nous indiquait Vincent Piron, il y a un an de cela.
  • Des batteries Lithium qui vont permettre de stocker de l’énergie (35 MGw) : CNR affirme que les batteries seront régulièrement changées à l’intérieur de containers. Cette technologie ne présenterait pas de soucis de traitement des déchets, selon CNR.
  • Parallèlement à cela, un projet agricole dont les contours sont encore flous mais qui devrait être pensé afin de répondre aux besoin des cuisines centrales des écoles de Marie-Galante. Ce volet appartient à un autre projet territorial.
  • Des panneaux photovoltaïques qui captent l’eau afin de pallier les manquements du Grand-Bassin

Les réactions et les questions

Ecoutez l’ambiance des échanges. Dans l’ordre, M.Richard Chelza, M. Guy Accipé, de Kap’La, l’opposition municipale à Grand-Bourg, puis la réponse de M. Vincent Piron, directeur de projet à la Compagnie Nationale du Rhône, M. Daniel Vergerolle, citoyen agriculteur, auquel M. Sully Gabon, ingénieur agronome consultant répond

« On ne fait pas l’agriculture comme ça aujourd’hui ce n’est pas un jouet… »

« Le sol va perdre sa nature si on le prive de l’ensoleillement naturel », argumente M. Richard Chelza

Toutefois, le “flou” actuel  autour du volet agricole sur un tel projet a participé à inquiéter d’autres intervenants désireux de sentir qu’une logique agricole aura droit de citer sur ces parcelles sinon le modèle pourrait ne pas marcher, nous dit Thierry Plumain, le directeur du CFAA Centre de formation d’Apprentissage Agricole de Guadeloupe, venu spécialement pour l’occasion par le bateau du soir

Pour une femme dans le public qui s’est ensuite éclipsée avant qu’on ne puisse l’identifier, l’absence des agriculteurs à la réunion fut dommageable. Un gros manque à cette réunion publique si on souhaite se faire une idée du terrain et de la motivation des agriculteurs à changer leurs habitudes afin de cultiver sous des ombrières

Quelles cultures ? Pas de plan précis pour l’instant

Tandis que dans le public, on trépignait d’entendre les pistes de cultures choisies qui seront mises en exploitation sous les ombrières, il n’en fut rien.

Ecoutez M. Sully Gabon, ingénieur agronome consultant. On apprend juste que la canne fibreuse sera proscrite et que la canne fourragère sera permise. Tout le reste est permis. Plutôt vague pour l’assistance.

Les bovins devraient être permis selon les dernières assurances données par M. Sully Gabon.

Grand-Bassin ou plutôt une grande bassine percée

Actuellement, mettre de l’eau dans Grand-Bassin c’est l’équivalent de l’expression créole “Chayé dlo an pannyé”. En clair, actuellement, le Grand-Bassin est davantage une grande bassine percée où l’agriculture est un défi depuis des années pour la vingtaine d’agriculteurs locataires de ces parcelles qui appartiennent au Conseil Départemental. Quand il pleut beaucoup, bonne nouvelle pour le niveau du bassin, mais il serait impossible d’exploiter certaines parcelles des mois durant, et en cas de pluies moyennes, l’eau ainsi collectée dans le relief serait absorbée par un sol assoiffé, avant d’atteindre le bassin. Un comble pour une zone vouée à l’agriculture. Depuis des années, ce secteur semble être un casse-tête. C’est la loi du trop ou du pas assez décrite par Vincent Piron, nous l’avions rencontré en février 2022

La capacité de stockage s’est visiblement beaucoup amoindrie ces dernières années. Les panneaux vont permettre de récupérer de l’eau qui sera stockée dans des citernes souples.

Mais quid du paysage ?

Avez-vous dejà vu la zone de Grand-Bassin de haut? C’est l’une des vues les plus belles de Marie-Galante, des vues dronées à couper le souffle, trop souvent méconnues. Quand on passe sur la Barre de l’île, les maisons et un corridor végétal en empêchent malheureusement la vision directe mais c’est véritablement une vue extraordinaire et avec les panneaux, non pas sur toute la zone bien sûr, mais sur deux parcelles, le paysage va être modifié. CNR parle “d’intégration dans le paysage avec une politique de conservation des bosquets, de plantations de haies et d’implantation des structures là où le grand paysage ne serait pas affecté”. (Photomontages réalisés par l’agence AGAP)

  • La prairie Ouest de la parcelle 202 depuis le Moulin de Mayoumbé et la RD205 ;

  • Et la vue plongeante sur le plateau des Bas et la parcelle 202

Le Conseil Départemental va réhabiliter le Grand-Bassin et mettre en place des fossés de captage mais pourquoi avoir attendu le projet électrique?

INTERVIEW Maryse Etzol

L’eau qui descend de la Barre de l’île détruit occasionnellement les cultures, nous avait même indiqué un agriculteur de la zone il y a quelque temps en étant sceptique sur l’avenir des panneaux si on ne réglait pas le problème. Le Conseil Départemental s’apprête à mettre en place des canaux afin de capter l’eau qui descend de ce grand toboggan géologique. “Ces travaux de drainage devraient être réalisés de manière à canaliser toute l’eau qui provient de la Barre de l’île pour qu’une partie soit orientée au besoin vers des structures de stockage souple pour les exploitants et pour que le plus gros aille dans le Grand-Bassin”, nous dit-on à la CCMG (Communauté de Communes de Marie-Galante). Il y aura également une réhabilitation de l’ouvrage de Grand-Bassin par le Conseil départemental afin de retrouver une pleine capacité de stockage d’eau agricole soit 80 000 m3. Mais alors, pourquoi ne pas l’avoir fait sans projet électrique ? On a posé la question entre autres interrogations à Maryse Etzol, Présidente de la CCMG et vice-présidente du ConseiL Départemental, qui porte le projet avec la CNR (au sein de Marie-Galante ENR). Nous lui avons également demandé si elle avait acheté des actions à titre personnel dans la société qui va exploiter le site, comme une rumeur persistante le laissait entendre, ce qui donne une interview spontanée.

 

L’avis de la commune de Saint-Louis: François Ladrézeau, premier adjoint au maire

François Ladrézeau, premier adjoint en charge des affaires budgétaires, économiques, financières et en charge de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme de la commune de Saint-Louis.

«La réponse que j’ai eue ne m’a pas trop convaincu. La preuve, c’est qu’on nous dit que le volet agricole n’a pas avancé, pratiquement pas. Notre crainte c’est que cela soit un projet avant tout énergétique au détriment du volet agricole. Mme La Présidente (de la CCMG, ndlr) a précisé qu’il n’y aurait pas de projet électrique s’il n’y avait pas de projet agricole mais la question c’est pourquoi le volet agricole a pris autant de retard. Sachant que l’agriculture c’est une part importante de notre économie marie-galantaise. Notre inquiétude c’est où sont les agriculteurs. J’ai fini par comprendre qu’il y en a 16 qui ont signé alors pourquoi ils ne viennent pas soutenir, ils ne viennent pas défendre ce projet »

« Il y a d’autres questions : le recyclage. Il n’y a pas de filière de recyclage en Guadeloupe. Pour l’instant, ces filières-là n’existent pas. On sait bien que ça ne fonctionne pas en Guadeloupe.

Et 3ème point : c’est que cette installation se fait quand même sur de bonnes terres agricoles, classées catégorie Une, c’est-à-dire les meilleures terres agricoles.

Foufougong : Comment la population de Saint-Louis accueille-t-elle le projet ?

Il y eu une réunion citoyenne à Fleurimont et les avis des citoyens vont dans le même sens. Pourquoi vouloir produire autant d’énergie pour aller revendre. Ce sont les inquiétudes qui reviennent. J’entends depuis des années la souffrance des agriculteurs. Cela fait plus de 20 ans que les agriculteurs demandent à avoir de l’eau et on entend que c’est grâce à ce projet qu’on va faire l’effort. On n’a pas été capables d’entendre la voix des agriculteurs et ça intervient maintenant qu’on comprend que pour faire de l’agriculture il faut de l’eau quand on va produire de l’électricité. Nous nous inquiétons.

FOUFOUGONG : Quelles sont les retombées pour Saint-Louis ?

“J’ai cru noter que ce serait 40 000 euros pour Saint-Louis et 120 000 euros pour la CCMG. Mais ça, je l’ai appris jeudi. C’est maigre quand même. On ne peut pas dire qu’on va encourager un projet. Pour moi, c’est peu. Nous n’avons pas en mains tous les éléments. On ne maîtrise pas. Nous risquons d’avoir par la suite des surprises. J’ai vu les avis des différents services de l’Etat qui disent que c’est une zone à fort potentiel en biodiversité environnementale. J’ai cru comprendre qu’il y avait des insuffisances. Les services de l’Etat ont demandé des éléments supplémentaires. Ce sont des avis qui datent de 2022. Peut-être entretemps ce smanquements ont-ils été comblés”, confie dubitatif le premier adjoint.

Note Foufougong : En effet, “La Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAe Guadeloupe) et la DEAL ont transmis des demandes de précisions et de compléments début mai 2022 au porteur du projet, Marie-Galante ENR. Ces compléments ont été transmis début septembre, après notamment réalisation d’un inventaire entomologique sur l’intégralité des sites. La MRAe et la DEAL ont estimé que ces compléments répondaient à leurs demandes, et que le dossier de demande d’autorisation était désormais complet”, est-il écrit dans les documents disponibles.

“On peut également se poser la question de ce que rapporte aux agriculteurs le fait d’adapter leur mode de travail à ces panneaux à part d’avoir une eau qu’on leur avait déjà promise et dont la non-disponibilité n’est absolument pas de leur fait. Ne devraient-ils pas eux aussi percevoir une partie des dividendes puisque l’image du projet et même son existence dépend de leur présence ou non dans le secteur?”

Comment participer à l’enquête et pourquoi?

Comme vous le voyez, les choses ne sont pas tout blanc ou tout noir. La situation de Grand-Bassin est telle que la question même de la viabilité de l’existant se pose. D’un autre côté, un tel projet se doit d’être regardé avec beaucoup d’attention étant donné les enjeux environnementaux, économiques, agricoles et même paysagers. On peut également se poser la question de ce que rapporte aux agriculteurs le fait d’adapter leur mode de travail à ces panneaux à part d’avoir une eau qu’on leur avait déjà promise et dont la non-disponibilité n’est absolument pas de leur fait. Ne devraient-ils pas eux aussi percevoir une partie des dividendes puisque l’image du projet et même son existence dépendent de leur présence ou non dans le secteur?

L’enquête publique se poursuit jusqu’au 12 mai en mairie de Saint-Louis mais le site internet mis en ligne récemment permet de disposer d’une quantité de documents. Vous pouvez envoyer vos contributions par mail : enquetes-publiques971@guadeloupe.pref.gouv.fr

LE PLUS: Un site assez complet est disponible afin de visualiser le projet de centrale avec une carte interactive qui positionne les panneaux, les troupeaux, les batteries, les chiffres clés…

La suite?

L’avis du commissaire enquêteur doit intervenir dans un délai d’un mois à la suite de l’enquête publique. Ensuite, le Préfêt peut oui ou non délivrer le permis.  Si la réponse est positive, cela signifiera l’ouverture de la négociation avec la CRE ( Commission de Régulation de l’Énergie).

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